La « gestion des noms de domaines » voilà bien une activité qui fait lever les sourcils de ceux à qui je tente d’expliquer mon travail. A première vue ça semble étrange : il existe un besoin en nom de domaine, on l’achète. Où se cachent donc les difficultés qui exigeraient une gestion ?
Pour faire rapide, je vais exposer les quelques principales difficultés de ce drôle de (nouveau) monde (j’aurai l’occasion de revenir sur chacun d’eux par la suite sur ce blog) :
Un nom de domaine ne s’achète pas définitivement, il se réserve pour une durée donnée (entre 1 et 10 ans). Il faut donc veiller à son renouvellement ;
La majorité des extensions protègent les ayant-droits. C’est à dire qu’il faut produire les preuves qu’on « mérite ce nom de domaine » pour l’enregistrer. Malheureusement, les preuves demandées sont différentes d’une extension à l’autre (plus de 250 extensions référencées) et changent dans le temps. Parmi ces preuves on retrouve souvent les certificats de marque du même nom, les enregistrements de sociétés, les lettres d’autorité, etc. (exemple des conditions nécessaires au .pt ci-dessous) ;
A l’inverse, certaines extensions sont complètement libres ou peu protégées (c’est le cas des extensions génériques comme le .com, le .net ou de certaines extensions géographiques comme le .fr ouvert désormais à tous les français). Dans ces extensions, il n’est pas rare que le nom de domaine souhaité soit donc déjà enregistré par quelqu’un d’autre. Dans ce cas, on peut soit changer de nom de domaine, soit tenter une procédure juridique de récupération si il s’agit vraisemblablement d’une tentative d’escroquerie (vente forcée au chantage, calomnie, etc.) ;
Techniquement enfin, il faut configurer un nom de domaine pour qu’il redirige vers le bon site Web, les serveurs de mails concernés, etc.
En quelques mots voici donc quelques unes des raisons qui font de la gestion des noms de domaines une activité complexe et mouvante, au carrefour des métiers de la communication et du marketing, du droit de la propriété intellectuelle et des réseaux informatiques. A tel point qu’il s’agit aujourd’hui d’une fonction de plus en plus reconnue comme tel par les grandes entreprises et qui nécessite souvent un plein temps complet pour son pilotage. Vous y voyez plus clair ?
Exemple : pour enregistrer un nom de domaine en .pt (extension géographique du Portugal), il faut :
soit être une société locale de même nom que le nom de domaine demandé. Dans ce cas, il faut produire l’extrait d’enregistrement de cette société au registre du commerce local ;
soit être une société étrangère qui possède une marque du même nom que le nom de domaine demandé qui couvre le Portugal (marque portugaise, européenne ou internationale). Dans ce cas, il faut produire le certificat d’enregistrement de cette marque ;
Face à ces règles, il est donc impossible pour un particulier d’enregistrer un domaine en .pt mais il est également impossible pour une société de déposer un nom de domaine qui ne soit pas une marque (« resterjeune.pt » ou « cars.pt » par exemple)
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Dans mon billet précédent sur les noms de domaines utilisés par les candidats à l’élection présidentielle, je faisais remarquer qu’il arrivait parfois qu’un usage émerge de lui-même et finisse par devenir une norme ou, du moins, un standard. Un des premiers qui me vient à l’esprit concerne le cas des sites officiels des films qui reprennent souvent une adresse du type xxx-lefilm.com ou .fr.
Les données
Pour chiffrer un peu cet usage, j’ai récupéré sur le site allocine.fr, la liste des adresses des sites officiels des films au box office des 17 dernières semaines (couvrant ainsi tout le début d’année 2007). Je précise qu’il s’agit donc des sites français de films français ou étrangers. Après avoir enlevé les doublons, j’obtiens finalement une liste de travails de 88 adresses ( afficher la liste).
51 noms de domaines en xxx-lefilm.com ou .fr (en y ajoutant quand même scorpion-film.com). Soit plus de 58%, ce qui me semble amplement suffisant pour assoir ce principe de nommage comme un usage ( afficher la liste).
Une requête rapide sur whois.net, montre qu’en .com on trouve 1106 noms de domaines enregistrés se terminant par « -lefilm » et 441 par « lefilm » sans tiret (requêtes whois.net : -lefilm et lefilm).
L’analyse – l’extension
Pour compléter cette démarche, j’ai également comparé les extensions : sur 70 noms de domaines enregistrés (je ne considère donc pas les
adresses qui sont juste des répertoires d’un site plus vaste), 12 sont en .fr (soit 17%), 56 sont en .com (80%) et deux sont des extensions pays pour des films étrangers peu distribués.
Mais si on croise l’extension avec le critère « lefilm » sur l’extension, on s’aperçoit que le .com est largement plébiscité par les adresses en « lefilm » :
Ceci indique soit une méconnaissance du .fr soit une volonté : le .com étant souvent perçu comme plus intuitif et communicatif.
Les conclusions
L’analyse d’un échantillon d’adresses de sites officiels de films confirme donc l’impression dé départ : l’utilisation d’un nom de domaine en xxx-lefilm est désormais un usage fréquent. Comme si la profession française revendiquait son propre espace de noms de domaines faut d’une extension spécifique en .movie par exemple.
D’après moi cet usage obéit tout d’abord à plusieurs contraintes pratiques :
l’ajout de la mention « lefilm » explicite le contenu du site et évite les confusions ;
l’ajout de la mention « lefilm » diminue aussi le risque de trouver le domaine recherché déjà enregistré par un tiers ;
l’ajout de la mention « lefilm » installe le site dans un contexte français, il n’y a ainsi pas de risque de concurrence avec les autres pays de distribution pour les cas ou le nom du film est international, le .com étant largement plébiscité dans cette utilisation ;
Peut-être également que les distributeurs de films américains notamment ne souhaitent pas utiliser un .fr pour en faire la promotion.
Malheureusement, une fois cet usage connu du grand public, il est aussi identifié comme tel par d’éventuels cybersquatteurs qui pourraient donc déposer les futurs noms de domaines revendiqués dès les annnonces de tournage.
Il serait maintenant intéressant de voir comment cet usage a émergé, si son utilisation est en augmentation et si il est transposable à d’autres pays ou d’autres secteurs, j’y reviendrai.
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Edit : par le plus grand des hasards, l’une de mes sources d’information sur les noms de domaines (le bureau d’enregistrement français MailClub) se fend d’un article sur le même sujet : http://www.mailclub.info/article.php3?id_article=558. Heureusement cela correspond assez avec ce que je disais ici et MailClub analyse également les noms de domaines déposés autour de la campagne par les partisans, détracteurs et profiteurs de tout poil.
En regardant attentivement les panneaux d’affichage électoraux en ces temps de campagne présidentielle, je n’ai pas pu m’empêcher (déformation professionnelle oblige !) de relever les noms de domaines cités. Même si le choix de ces noms n’a bien sur que peu d’incidence sur les résultats, il m’a semblé intéressant de tenter de les décoder. Puisque ces noms ont tous fait l’objet d’un choix, ils ne peuvent pas être complètement anodins, non ?
La liste des noms de domaines officiels de la campagne visibles sur les panneaux électoraux (soit directement sur l’affiche, soit sur une petite affiche annexe qui indique que les interlocutions officielles radio et télé ainsi que les dates de passage sont disponibles sur le site Internet) :
Si on place les noms de domaines choisis sur l’axe politique habituel droite / gauche, on remarque que le choix de l’extension se répartit presque parfaitement entre .fr à droite et .org à gauche.
en .org : Arlette Laguiller, Olivier Besancenot, Gérard Schivardi, José Bové, Marie-George Buffet, Ségolène Royal ;
en .fr : Dominique Voynet, François Bayrou, Nicolas Sarkozy, Frédéric Nihous, Philippe de Villiers, Jean-Marie Le Pen ;
Un .fr marque l’appartenance à l’espace français qu’il soit géographique ou politique (c’est notamment l’extension officielle pour le gouvernement – .gouv.fr – et celui préconisé pour les entités politiques – munipalités en xx-ville.fr, conseils régionaux ou départementaux, administrations, etc.). Il semble mettre en avant l’identité nationale et le côté institutionnel.
Un .org est destiné originellement aux organisations et aux associations à but non lucratif. Lorsque les candidats traditionnellement placés à gauche de l’échiquier politique l’utilisent, on peut peut-être y voir une volonté se déclarer dans une logique d’action collective et désintéressée mais plus loin, du même coup, de l’idée qu’on se fait d’un gouvernement.
Entre ces deux camps se perd Gérard Schivardi et son adresse en .com (réservée normalement aux sites commerciaux mais devenue bien vite l’extension la plus usitée sur Internet), plus résultat à mon avis d’une méconnaissance ou d’un mauvais choix que d’une réelle volonté.
Deuxième remarque : la reprise du nom du candidat
Sur les 12 noms de domaines, 11 reprennent le nom ou partie du nom du candidat concerné. On parle donc bien ici d’une campagne visant à élire une personne. Par opposition, avec son adresse générique desirsdavenir.org, seule la candidate socialiste Ségolène Royal semble s’effacer derrière le slogan de sa campagne. Tentative de se différencier, de se déclarer moins candidate que porte-parole ? C’est peut-être le message désiré mais ça fait aussi du nom de domaine choisi l’un des moins intuitifs de la campagne.
Sur les autres domaines, quelques petits détails me paraissent également intéressants à souligner :
Arlette Laguillier qui ne pouvait vraisemblablement pas se passer de son prénom (presque sa marque de fabrique) décide d’associer prénom et nom.
Marie-George Buffet, assez bizarrement, ne retient que le prénom, qui est certes reconnaissable mais l’impasse du nom est étrange. Peut-être cet intitulé révèle t’il d’un choix par défaut, “buffet” étant un nom commun peu explicite seul et l’association du prénom double et du nom de famille engendrant un nom de domaine trop long à écrire. En tout cas, l’adresse du site donne donc un côté familial/amical un peu surprenant “viens donc voir le site de Marie-George”.
José Bové enfin qui, peut-être dans le même ordre d’idée que le parti socialiste, décide de mettre en avant le soulèvement qu’il engendre avant sa propre personne. Le slogan est ici “uni(e)s avec Bové” et cette volonté de forcer le féminin (pourtant déjà compris dans le “unis” comme le veut la langue française) difficile à retranscrire dans un nom de domaine donne cette drôle succession de tirets “uni-e-savecbove” très peu intuitive (pour information l’adresse http://www.unisavecbove.org fonctionne également).
Enfin, Philippe de Villiers laisse tomber la particule dans son nom de domaine. Respect de la langue française, oubli volontaire d’une particule vieillissante ou volonté de communication directe, je ne saurais trancher.
Troisième remarque : 2007 ou pas 2007 ?
Enfin (et je m’arrêterai là), il faut signaler la mention de l’année 2007 qui est reprise par 7 candidats sur 12. Cette mention a du pour et du contre.
Du pour puisqu’elle signale à grands bruits qu’il s’agit bien là du site de campagne du candidat concerné et qu’on y retrouvera donc l’ensemble des informations qui s’y réfèrent. Ce choix a du être notamment important avant l’année 2007 pour préparer la campagne en amont. On remarque que, spontanément, c’est le choix de l’année « 2007 » qui a été repris et non pas le mot « élection » à l’image de ce que propose, par exemple, le Forum des Droits à l’Internet repris par l’AFNIC. Parce que l’année affichée sans autre mentions frappe d’avantage les esprits ? elle rappelle une échéance, une date charnière ?
Du contre puisqu’en inscrivant ainsi la date de l’élection, il restreint la portée du site dans le temps, il semble donner comme objectif du site une communication temporaire qui n’aurait pas de débouchées à long terme. On remarquera d’ailleurs que les trois plus gros candidats ne reprennent pas la mention de l’année, peut-être parce qu’ils comptent bien revenir en 2012 ?
Conclusion
Voici donc, rapidement détaillé, un petit exercice sans prétention de lecture des adresses officielles des 12 candidats à la Présidentielle.
La première chose à retenir, je pense, c’est que le choix d’un nom de domaine n’est jamais complètement anodin. Ici, alors que je doute fort que les candidats (et/ou leurs équipes et agences) aient perçu toute la signification que pouvait recéler l’adresse même du site Web (et si ils l’ont fait, qui pourra la lire ?), on remarque qu’ils portent tout de même un message, un positionnement, une première démarcation. La preuve la plus évidente en est que, probablement sans concertation, les partis ou candidats de même bord pratiquent les mêmes usages !
la deuxième chose à retenir, c’est que très vite, sans réelle concertation, un principe de nommage peut se révéler et être reconnu comme tel. En effet, dans la liste des domaines utilisés on voit très nettement apparaître un tendance au « nom2007 » comme intitulé. C’est d’ailleurs le constat fait par le Forum des Droits Internet dans le cadre de l’observatoire de la web campagne. Sa première observation se concentre en effet sur les pratiques d’enregistrement des noms de domaines liés à la campagne par les partisans, opposants et profiteurs qui déposent essentiellement, d’après ses conclusions, des noms de domaines formés en « nom2007 ».
Pour pousser la réflexion sur l’émergence d’un principe de nommage, on peut d’ailleurs remarquer que le trio de têtes des candidats font partie de ceux qui s’en échappent le plus. Sans doute estiment-ils avoir moins à rappeler leur participation à la campagne que des candidats moins reconnus et se permettent-ils alors des solutions plus originales.
rien à voir du jour : pour avoir une idée du volume de citations des candidats sur Internet, rendez-vous sur la page dédiée du quotidien gratuit 20minutes, http://www.20minutes.fr/barometre-2007.php, que j’ai contribué à mettre en forme.
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Ça fait maintenant 3 ans que je travaille au jour le jour sur le sujet des nom de domaines, en particulier pour le compte du groupe Renault. Et bientôt un an et demi que j’y interviens en tant que consultant Indépendant. Trois années donc que je découvre, arpente, approfondie ce sujet si complexe et passionnant et bien trop méconnu et considéré.
L’espace des noms de domaines et des adresses Web en général est pourtant un espace en pleine expansion, avec déjà ses traditions, ses standards et pourtant encore temps à défricher et définir. Aujourd’hui, en effet, on n’imagine plus une entreprise, un évènement, une personnalité, une action sans son pendant Web et donc, a priori, sans son adresse Web qui va l’accompagner sur tous ses supports de communication, de propagande. Avec des choix réfléchis, des erreurs, des essais, des principes qui, tout doucement, se dessinent.
Je vous invite donc à découvrir ici ce domaine si particulier et si riche à mes yeux qui touche à la fois à la communication, au positionnement Web, à la communication et au marketing, au droit et à la technique. En route !
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