À chaque fois, c’est la même histoire :
Un client me contacte pour assurer l’accompagnement d’un projet ou pour la réalisation d’un site web. Les idées sont assez claires, les besoins bien esquissés. Le calendrier est serré, pas d’urgence particulière mais « Vous comprenez, notre site actuel n’est plus du tout vendeur. Pensez-vous que vous pourrez développer ou faire développer le site en deux mois ? »
Ma réponse ne varie jamais : deux choses et deux choses seulement viendront décaler la date de sortie que vous planifiez aujourd’hui :
- La validation du design ;
- La fourniture des contenus.
Deux choses qui sont de votre ressort, cher client. Je vous retourne donc la question : pensez-vous que toutes les personnes impliquées sur ces deux tâches auront la disponibilité nécessaire durant ces deux mois ?
À chaque fois, la réponse est oui. À chaque fois (ou presque) la réalité est toute autre. Ce constat se vérifie sur des dizaines de projets depuis 15 ans et je ne vois pas d’amélioration.
Mais quel est le problème avec les contenus ?
Les contenus aussi bien textuels que visuels ne sont jamais disponibles au moment initialement prévu. Et ce pour plusieurs raisons.
Les entreprises ont en réalité peu de choses à dire…
Beaucoup de sites Web d’entreprises ne sont encore que des vitrines figées de leur activité. Mis en ligne parce qu’il est inconcevable de ne pas disposer d’un site Web aujourd’hui mais sans réel besoin de contenus inédits ou de fonctionnalités avancées. Même si les agences vous prétendent le contraire, toutes les activités ne se prêtent pas à la production de contenus riches et enthousiasmants. Loin de là.
…Mais l’ignorent ou ne l’assument pas.
Dans la majorité des activités, il suffit aujourd’hui d’un site Web très léger fournissant les informations de base et quelques leviers de réassurance. Mais les entreprises imaginent avoir beaucoup plus à dire. Sans se poser la question de la cible et de l’usage qui sera fait de ces contenus : qui a réellement l’envie ou le besoin de lire sérieusement ce qu’elles comptent leur expliquer ? Quel effort sera nécessaire pour quel bénéfice réel auprès des rares lecteurs ?
Nous baignons quotidiennement dans un océan de contenus. Les études de cas de stratégies de contenus miraculeuses (mais absolument pas reproductibles) inondent les réseaux sociaux et médias spécialisés. Les clients rechignent à se « restreindre » à un site web sobre en contenus.
La responsabilité des contenus est diluée
L’équipe en charge du projet web doit faire appel au reste de l’entreprise pour collecter et adapter les contenus attendus. Cela implique une participation globale des équipes, même et surtout celles qui ne sont concernées que de loin par le projet et qui ont bien d’autres priorités. Un travail colossal d’organisation qui se frotte directement à l’inertie et au cloisonnement interne.
Les compétences nécessaires sont sous-estimées
Les compétences techniques nécessaires à la rédaction sont clairement sous-estimées. Confusion est faite entre savoir écrire (ce qui semble à la portée de n’importe qui) et savoir rédiger des contenus pour le Web (qui est une expertise qui se travaille !). Le résultat créé par les équipes internes non spécialistes de cette démarche s’avère donc souvent décevant. Nous voilà repartis pour un tour.
Parfois le client fait appel à une prestation externe ! Mais au lieu de se faire accompagner, il tente de lui déléguer toute la tâche de création de contenus. Sans ligne directrice et sans compréhension réelle de l’entreprise, le résultat risque de ne pas être plus pertinent.
Pour les contenus visuels c’est encore pire : les sources internes sont inexistantes, payer pour des illustrations ou des photographies n’est pas dans les mœurs. Dans les meilleurs des cas, on pioche dans les banques d’image sans discernement. Dans le pire, on vole des images à gauche à droite sur le web…
Le design et les fonctionnalités occupent le devant de la scène
Le client n’imagine pas un instant que le contenu soit une réelle difficulté. Il se focalise donc sur le design et le suivi du développement, qui lui semblent plus concrets et plus importants à contrôler. Une inconsciente fuite en avant : tant qu’il consacre du temps au design et aux fonctionnalités, il ne se préoccupe pas des actions dans sa propre cour, les contenus !
Les contenus sont peu visibles
On voit bien la profonde schizophrénie qui anime les contenus. Les entreprises ont appris, à force de répétition, que les contenus sont vitaux. Pour le référencement, pour se démarquer, pour convaincre. Mais en réalité les contenus restent très peu visibles. Les débats internes porteront sur le design et sur les fonctionnalités, jamais ou presque sur un contenu. Les équipes internes regarderont la page d’accueil mais n’iront pas ou rarement fureter et lire en détail chaque contenu présenté. Les utilisateurs se plaindront d’un bug mais pas d’une phrase mal tournée. Dès lors, on pare au plus stratégique (en apparence) et on met de côté les contenus.
Le contenu ne s’arrête jamais
Ceux qui décident de s’atteler aux contenus s’attaquent à un sujet périlleux. Produire des contenus pour le jour du lancement est une chose mais produire de nouveaux contenus et mettre à jour ceux existants est un travail continu. Travail qui, pour les raisons évoquées plus haut, sera complexe (collecte de sujets et contenus en interne) et peu valorisé. Même les bonnes volontés à ce sujet s’émoussent très vite.
Comment pallier l’inexistence de contenus ?
Maintenant que j’ai cassé l’ambiance, tentons de trouver des pistes de solution à cet épineux problème. Quelques conseils de bon sens :
1. Identifiez votre audience et écrivez pour être lu
Avant même de parler de contenus, définissez les cibles et les messages clés que vous voulez leur faire passer. Qui vient sur votre site, que cherchent-ils et que sont-ils réellement soucieux de comprendre ?
Écrivez pour être lu, pas pour vous auto-satisfaire !
Exemples de constat réalisé lors d’un projet :
- Les prospects d’une société de BTP veulent comprendre l’activité en quelques mots, la zone d’intervention et la taille des projets menés. Les références clients et les certifications sont à valoriser. 2 pages s’avèrent nécessaire en plus de la page d’accueil : les dernières références clients avec chiffres clés sur l’ampleur de chaque projet / le détail des certifications obtenues.
2. Dimensionner l’ambition éditoriale de votre site web
Comme dit plus haut, toutes les activités ne se prêtent pas à une surabondance de contenus. Mieux vaut quelques textes bien pensés que des dizaines de pages creuses qui ne seront jamais lues. Dites-vous bien que plus votre site a de pages moins chacune d’entre elles sera lue.
Exemples de constat réalisé lors du même projet :
- Les prospects de cette même société de BTP connaissant parfaitement le domaine d’activité en question et procèdent quotidiennement à l’achat de prestations de ce type. Les seuls critères regardés sont le sérieux de l’entreprise et le budget proposé. Il n’y a donc pas besoin de créer des contenus spécifiques pour cette audience. Ils ne seraient jamais lus !
3. Commencez modeste
Commencez petit avec les contenus socles sur votre activité, gardez en tête d’ajouter par la suite seulement des contenus plus riches, inédits et réguliers. Quelques pages suffisent amplement au démarrage. Personne ne viendra vous le reprochez !
Exemples de constat réalisé lors d’un autre projet :
- Une société de cybersécurité envoie à ces clients une veille hebdomadaire par e-mail. Ce contenu peut-être repris de manière plus synthétique sur le site web pour provoquer un rendez-vous régulier avec les utilisateurs et alerter les prospects sur les dangers du moment.
4. Argumentez
Dans la course aux contenus, les sociétés sont devenues des championnes du blabla. Toutes revendiquent l’innovation ou le respect du développement durable. Plus on en dit, plus on en fait non ? En réalité, les internautes sont devenus allergiques à la langue de bois et distinguent vite les promesses creuses des réelles preuves.
Pour chaque message clé, construisez un argumentaire d’une seule page pour le mettre en valeur. Usez de preuves : chiffres clés, cas clients, revue de presse, labels et prix, etc.
5. Répartissez les rôles
Nommer une personne et une seule responsable des contenus. Elle doit être différente de la personne chargée de piloter le design et les fonctionnalités.
Faites-vous accompagner par un indépendant ou une petite agence, en charge d’assister la personne chargée des contenus mais pas de la remplacer.
Partagez les tâches :
- Pour la personne chargée de contenu : identification des messages, collecte des sources internes, organisation d’entretiens avec les équipes internes, brouillon des contenus et validation finale.
- Pour le prestataire : compte-rendu des entretiens, relecture et affinage des contenus, suivi des tâches.
6. Limitez les étapes de validation
Comme la rédaction pour le web est un métier, sa validation demande aussi un savoir-faire.
Organisez une validation simplifiée des contenus : le responsable nommé plus haut doit être seul chargé de valider le format et le ton des contenus. Les autres partie-prenantes internes ne sont là que pour décelez les erreurs factuelles ou les oublis.
7. Investissez dans les contenus visuels
Les visuels ont pris une place prépondérante dans l’expérience offerte par les sites web. Malheureusement on distingue vite les entreprises qui mettent les moyens et celles qui réutilisent jusqu’à l’overdose les mêmes visuels factices issus de banques d’images.
Si vous voulez tirer votre épingle du jeu sur le sujet, proposez des images inédites et personnalisées qui attireront l’œil et donneront confiance.
Faites donc réaliser un ou plusieurs reportages photos par un professionnel. Vos équipes, vos locaux, vos produits et vos procédés de fabrication sont plus photogéniques que vous ne le pensez.
8. Osez !
Pour gagner la course à l’attention, travaillez des formats peu classiques et des tonalités originales. Osez l’humour et le clin d’œil. Utilisez des formats interactifs mais seulement si ils apportent une valeur ajoutée dans la découverte et la compréhension de votre discours.
9. Animez au long cours
Planifier une instance régulière (trimestrielle par exemple) pour mesurer le succès des contenus créés, décider des mises à jour nécessaires, identifier les nouveaux sujets. Les statistiques de votre site web, les autres canaux de contact avec votre public (hotline, salons, etc.) peuvent vous alerter sur les nouvelles thématiques attendues.
Vous avez d’autres conseils ou retours d’expérience en la matière ?